mercredi 19 mars 2014

Les vierges de Chypre



Les vierges de Chypre

Primus illis adpulsus terrae Cyprus insula fuit, 2 ubi sacerdos Iovis cum coniuge et liberis deorum monitu comitem se Elissae sociumque praebuit pactus sibi posterisque perpetuum honorem sacerdotii. 3 Condicio pro manifesto omine accepta. 4 Mos erat Cypriis virgines ante nuptias statutis diebus dotalem pecuniam quaesituras in quaestum ad litus maris mittere, pro reliqua pudicitia libamenta Veneri soluturas. 5 Harum igitur ex numero LXXX admodum virgines raptas navibus inponi Elissa iubet, ut et iuventus matrimonia et urbs subolem habere posset.  ( Justin, Histoires Philippiques, Livre XVIII )


L’île de Chypre fut le premier accès à la terre pour ces héros, quand le prêtre de Jupiter avec sa femme et ses enfants se présenta selon l’avertissement des dieux en tant que compagnon et allié à Elissa en demandant qu’on lui attribue à l’avenir la charge perpétuelle de sacerdoce. Cette condition fut évidemment acceptée par tous. Il était coutume que les vierges de Chypre, pour quelques jours, avant les noces, envoient au large une somme d’argent pour payer la dot, avant que leur chasteté ne soit abandonnée en faisant des offrandes à Vénus. Donc Elissa ordonna qu’au moins huitante de ces vierges soient enlevées et embarquées sur des navires pour que les jeunes Carthaginois puissent marier et que la ville puisse avoir une descendance.

Fanny et Marine

Elissa et la fondation de Carthage, J. M. W. Turner




Les malheurs de Carthage

Condita est haec urbs LXXII annis ante quam Roma; 10 cuius virtus sicut bello clara fuit, ita domi status variis discordiarum casibus agitatus est. 11 Cum inter cetera mala etiam peste laborarent//, cruenta sacrorum religione et scelere pro remedio usi sunt; 12 quippe homines ut victimas immolabant et inpuberes, quae aetas etiam hostium misericordiam provocat, aris admovebant, pacem deorum sanguine eorum exposcentes, pro quorum vita dii rogari maxime solent.

Cette ville a été fondée septante deux ans avant Rome ; Même si sa vertu fut célèbre à la guerre,  à l’intérieur de la ville, l’équilibre est chamboulé par des malheurs variés dus à des mésententes. Alors que les Carthaginois souffraient de la peste et d’autres maux, ils utilisèrent pour remèdes des massacres au nom de la religion qui justifie ce crime comme étant sacré ; car ils sacrifiaient des hommes comme victimes et plaçaient sur les autels des enfants dont l’âge exprime la pitié même chez les ennemis et pour la vie desquels on avait l’habitude de prier le plus les dieux, afin d’obtenir la paix divine par leur sang.

Bastien et Milène

Sanctuaire du Tophet de Salammbô à Carthage, où l'on a découvert de nombreux ossements d'enfants
 

mardi 18 mars 2014


 Le triste destin d'Elissa

"Hoc dolo capta diu Acherbae viri nomine cum multis lacrimis et lamentatione flebili invocato ad postremum ituram se, quo sua et urbis fata vocarent, respondit. In hoc trium mensium sumpto spatio, pyra in ultima parte urbis instructa, velut placatura viri manes inferiasque ante nuptias missura multas hostias caedit et sumpto gladio pyram conscendit atque ita ad populum respiciens ituram se ad virum, sicut praeceperint, dixit vitamque gladio finivit. Quam diu Karthago invicta fuit, pro dea culta est".


Cette ruse l’avait longtemps surprise lorsqu’elle répondit qu’elle était sur le point d’aller là où l’appelaient les destins de la ville, après s’être longuement lamentée à chaudes larmes sur le sort de son mari Acerbas digne d’être pleuré
Dans un délai de trois mois, elle fit un feu dans la partie bâtie la plus reculée de la ville, comme pour apaiser les mânes de son mari, et tua de nombreuses victimes pour offrir un sacrifice d’avant noces. Après avoir pris un glaive, elle monta dans le brasier et, se retournant vers le peuple, elle dit qu’elle s’apprêtait à rejoindre son mari, et se suicida avec son glaive comme ils l’avaient ordonné.
Aussi longtemps que Carthage fut invincible, elle fut honorée comme une déesse.

Louise et Justine




lundi 17 mars 2014


La princesse de Tyr, Elissa, quitte la Phénicie après le meurtre de son mari Sychée, perpétré par son frère, et fonde la ville de Carthage sous le nom de Didon. Lorsque le Troyen Enée, après qu'une tempête orchestrée par la déesse Junon l'eut forcé à accoster sur les rivages africains, rencontre la Carthaginoise, une liaison passionnée se forme entre les deux personnages. Toutefois, comme Jupiter rappelle Enée à son devoir de fonder une nouvelle Troie, celui-ci quitte son amante, qui, désespérée, prend la résolution de se suicider. Le poète latin Ovide (env. -43 à -17), imagine dans le livre septième de ses Héroïdes la lettre qu'aurait pu adresser la malheureuse au héros avant que d'accomplir son acte désespéré...

Dido Aeneae

"Si minus, est animus nobis effundere vitam;
in me crudelis non potes esse diu.
adspicias utinam, quae sit scribentis imago;
scribimus, et gremio Troicus ensis adest;
perque genas lacrimae strictum labuntur in ensem,
qui iam pro lacrimis sanguine tinctus erit.
quam bene conveniunt fato tua munera nostro!
instruis impensa nostra sepulcra brevi.
nec mea nunc primum feriuntur pectora telo:
ille locus saevi vulnus amoris habet.
Anna soror, soror Anna, meae male conscia culpae,
iam dabis in cineres ultima dona meos.
nec consumpta rogis inscribar Elissa Sychaei,
hoc tantum in tumuli marmore carmen erit:
praebuit aeneas et causam mortis et ensem.
ipsa sua Dido concidit usa manu."

Ovide, Héroïdes, VII, 188-200

Didon et Enée

"Sinon, j'ai pris la décision de renoncer à la vie;
Tu ne peux être longtemps cruel à mon égard.
Que n'es-tu confronté à l'image de celle qui t'écrit;
J'écris, et c'est auprès de mon sein que se trouve le glaive troyen;
Les larmes coulent le long de mes joues et tombent sur ce glaive dégainé,
Lequel aura désormais été éclaboussé non pas de larmes mais de sang.
Comme ton présent convient bien à ma destinée!
Le tombeau que tu m'élèves t'auras coûté bien peu.
Et ce n'est pas la première fois qu'une arme blesse mon cœur:
Mon sein comporte la blessure du cruel Amour
Sœur Anne, ma sœur Anne, confidente -hélas!-de ma faute,
Désormais, tu donneras à mes cendres un ultime cadeau.
Et je ne serai pas décrite comme Elise, épouse de Sychée, décimée par le bûcher
Mais ce si grand poème ornera le marbre du tombeau:
C'est Enée qui a fourni tant la cause de ma mort que son moyen, le glaive.
Didon mit fin à ses jours de sa propre main."

Traduction de Léa Gobet et Guillaume Dreyer
Augustin Catyot (1677-1722), La mort de Didon, 1711, Musée du Louvres, Paris

vendredi 14 mars 2014

La demande en mariage


Itaque consentientibus omnibus Karthago conditur statuto annuo vectigali pro solo urbis. In primis fundamentis caput bubulum inventum est, quod auspicium fructuosae quidem, se laboriosae perpetuoque servae urbis fuit; propter quod in aliurn locum urbs translata, ibi quoque equi caput repertum, bellicosum potentemque populum futurum significans, urbi auspicatam sedem dedit. Tunc ad opinionem novae urbis concurrentibus gentibus brevi et populus et civitas magna facta. Cum successu rerum florentes Karthaginis opes essent, rex Maxitanorum Hiarbas decem Poenorum principibus ad se arcessitis Elissae nuptias sub belli denuntiatione petit.

C’est pourquoi Carthage est fondée avec l’accord de tous, un tribut annuel ayant été choisi pour le sol de la ville. Dans les premiers fondements, on trouva une tête de bœuf, qui présageait un sol fécond, mais de difficile culture, et un esclavage éternel; à cause de cela, la ville a été transportée dans un autre lieu, là on a aussi retrouvé une tête de cheval, qui signifiait un futur peuple belliqueux et puissant et Elissa donna un siège présagé à la ville. Alors, comme des familles ont été attirées en peu de temps par l’opinion de la nouvelle ville, un grand peuple et une grande cité furent faits.
Comme les richesses de Carthage étaient florissantes grâce à sa réussite, le roi Hiarbas des Maxitanins demanda au dix chefs des Carthaginois appelés vers lui le mariage à Elissa sous menace d’une guerre.
Andrea Sacchi: Didon abandonnée

jeudi 13 mars 2014

La peau de boeuf (Justin, Histoire universelle, XVIII, 5, 8-11)


Mattäus Merian the Elder: gravure représentant Didon coupant la peau de boeuf
Itaque Elissa delata in Africae sinum incolas loci eius adventu peregrinorum mutuarumque rerum commercio gaudentes in amicitiam sollicitat, 9 dein empto loco, qui corio bovis tegi posset, in quo fessos longa navigatione socios, quoad proficisceretur, reficere posset, corium in tenuissimas partes secari iubet atque ita maius loci spatium, quam petierat, occupat, unde postea ei loco Byrsae nomen fuit. 10 Confluentibus deinde vicinis locorum, qui spe lucri multa hospitibus venalia inferebant, 11 sedesque ibi statuentibus ex frequentia hominum velut instar civitatis effectum est.

Traduction

C’est pourquoi Elissa, emportée dans le golfe d’Afrique, sollicita dans l’amitié les habitants de cet endroit qui se réjouissaient de l’arrivée d’étrangers et donc de relations commerciales. Ensuite ayant acheté une place qui pouvait être recouverte d’une peau de bœuf, dans lequel elle pouvait redonner des forces aux alliés fatigués de leur longue navigation, jusqu’à ce qu’elle soit partie, elle ordonna qu’on coupât cette peau en fines lamelles pour ainsi pouvoir occuper un plus grand espace que celui qu’elle avait demandé. Ce lieu reçut ensuite le nom de Byrsa. Puis, comme les voisins de cet endroit affluaient de partout apportant de nombreux objets à vendre à leurs hôtes dans l’espoir d’un profit et qu’ils plaçaient des habitations là, il en résultat que, de cette affluence d’hommes, elle eut la grandeur d’une ville.