La princesse de Tyr, Elissa, quitte la
Phénicie après le meurtre de son mari Sychée, perpétré par son frère, et fonde
la ville de Carthage sous le nom de Didon. Lorsque le Troyen Enée, après qu'une
tempête orchestrée par la déesse Junon l'eut forcé à accoster sur les rivages
africains, rencontre la Carthaginoise, une liaison passionnée se forme entre
les deux personnages. Toutefois, comme Jupiter rappelle Enée à son devoir de
fonder une nouvelle Troie, celui-ci quitte son amante, qui, désespérée, prend
la résolution de se suicider. Le poète latin Ovide (env. -43 à -17), imagine
dans le livre septième de ses Héroïdes la lettre qu'aurait pu adresser la
malheureuse au héros avant que d'accomplir son acte désespéré...
Dido
Aeneae
"Si minus, est animus nobis effundere vitam;
in me crudelis non potes esse diu.
adspicias utinam, quae sit scribentis imago;
scribimus, et gremio Troicus ensis adest;
perque genas lacrimae strictum labuntur in ensem,
qui iam pro lacrimis sanguine tinctus erit.
quam bene conveniunt fato tua munera nostro!
instruis impensa nostra sepulcra brevi.
nec mea nunc primum feriuntur pectora telo:
ille locus saevi vulnus amoris habet.
Anna soror, soror Anna, meae male conscia culpae,
iam dabis in cineres ultima dona meos.
nec consumpta rogis inscribar Elissa Sychaei,
hoc tantum in tumuli marmore carmen erit:
praebuit aeneas et causam mortis et ensem.
ipsa sua Dido concidit usa manu."
in me crudelis non potes esse diu.
adspicias utinam, quae sit scribentis imago;
scribimus, et gremio Troicus ensis adest;
perque genas lacrimae strictum labuntur in ensem,
qui iam pro lacrimis sanguine tinctus erit.
quam bene conveniunt fato tua munera nostro!
instruis impensa nostra sepulcra brevi.
nec mea nunc primum feriuntur pectora telo:
ille locus saevi vulnus amoris habet.
Anna soror, soror Anna, meae male conscia culpae,
iam dabis in cineres ultima dona meos.
nec consumpta rogis inscribar Elissa Sychaei,
hoc tantum in tumuli marmore carmen erit:
praebuit aeneas et causam mortis et ensem.
ipsa sua Dido concidit usa manu."
Ovide, Héroïdes,
VII, 188-200
Didon
et Enée
"Sinon, j'ai pris la décision de renoncer à la vie;
Tu ne peux être longtemps cruel à mon égard.
Que n'es-tu confronté à l'image de celle qui t'écrit;
J'écris, et c'est auprès de mon sein que se trouve le glaive troyen;
Les larmes coulent le long de mes joues et tombent sur ce glaive dégainé,
Lequel aura désormais été éclaboussé non pas de larmes mais de sang.
Comme ton présent convient bien à ma destinée!
Le tombeau que tu m'élèves t'auras coûté bien peu.
Et ce n'est pas la première fois qu'une arme blesse mon cœur:
Mon sein comporte la blessure du cruel Amour
Sœur Anne, ma sœur Anne, confidente -hélas!-de ma faute,
Désormais, tu donneras à mes cendres un ultime cadeau.
Et je ne serai pas décrite comme Elise, épouse de Sychée, décimée par le bûcher
Mais ce si grand poème ornera le marbre du tombeau:
C'est Enée qui a fourni tant la cause de ma mort que son moyen, le glaive.
Didon mit fin à ses jours de sa propre main."
Tu ne peux être longtemps cruel à mon égard.
Que n'es-tu confronté à l'image de celle qui t'écrit;
J'écris, et c'est auprès de mon sein que se trouve le glaive troyen;
Les larmes coulent le long de mes joues et tombent sur ce glaive dégainé,
Lequel aura désormais été éclaboussé non pas de larmes mais de sang.
Comme ton présent convient bien à ma destinée!
Le tombeau que tu m'élèves t'auras coûté bien peu.
Et ce n'est pas la première fois qu'une arme blesse mon cœur:
Mon sein comporte la blessure du cruel Amour
Sœur Anne, ma sœur Anne, confidente -hélas!-de ma faute,
Désormais, tu donneras à mes cendres un ultime cadeau.
Et je ne serai pas décrite comme Elise, épouse de Sychée, décimée par le bûcher
Mais ce si grand poème ornera le marbre du tombeau:
C'est Enée qui a fourni tant la cause de ma mort que son moyen, le glaive.
Didon mit fin à ses jours de sa propre main."
Traduction de Léa Gobet et Guillaume Dreyer
Augustin Catyot (1677-1722), La mort de Didon, 1711, Musée du Louvres, Paris
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